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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 21:55

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Alors que le nouveau film de David Michôd est présenté cette semaine à Cannes (The Rover, Hors compétition), retour sur son premier film, Animal Kingdom. Coup d'essai coup de maître avec ce film choc de l'année 2011, immersion puissante et implacable dans une famille de criminels à Melbourne.

 6 bonnes raisons de voir (ou revoir) Animal Kingdom

 1. Pour cette scène introductive sidérante, d'une extrême froideur, où David Michôd nous fait rencontrer le personnage de Josh. Le détachement face à la mort, qui imprègne finalement tout le film, est déjà là. Avec une économie de plans (et une économie d'expressions sur le visage de James Frecheville, qui semble impassible), domine une tonalité inquiétante et crépusculaire. Mais ce qui est inquiétant n'est pas tant ce que l'on voit que l'absence de réaction du personnage qui reste insaisissable alors qu'il va être notre guide à l'intérieur de cette famille dysfonctionnelle. Très simplement, par son ancrage froid et réaliste, Animal Kingdom nous accroche d'emblée pour ne plus nous lâcher...

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 2. Parce que David Michôd, de manière très subtile, convoque constamment la participation du spectateur qu'il immerge lentement dans l'environnement de la famille Cody. Le regard du spectateur se confond bien avec celui de Josh, mais comme ce dernier reste comme absent (Josh, même intégré, reste d'ailleurs un étranger dans cette famille), le spectateur n'a pas vraiment de repères, ne peut pas s'appuyer sur le ressenti de Josh pour se faire une opinion. Une absence de repères qui convient particulièrement bien à l'atmosphère de ce polar qui tire aussi sa maîtrise et sa puissance de son caractère imprévisible.

  3. Pour la caractérisation de ses personnages qui ont tous un double fond. A l'image de cette figure de matriarche à la fois protectrice et machiavélique (impressionnante Jacki Weaver, nommée à l'Oscar du meilleur second rôle). Un des personnages féminins les plus forts vus au cinéma.

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  4. Parce que Animal Kingdom est tout autant une tragédie familiale (à la James Gray), à l'engrenage implacable pour chacun de ses acteurs, qu'un polar sec et froid, animal, où la folie et la paranoïa règnent en maître. Une angoisse sourde imprègne tout le film, relayée notamment par l'utilisation de la musique.

  5. Parce que ce film ne cherche pas à séduire par l'épate (il est tout sauf spectaculaire), mais captive, fascine et inquiète d'autant plus qu'il décrit de façon ordinaire et sobre un monde violent et malade. On pense évidemment beaucoup à The Yards (proche dans sa forme comme dans ses thèmes).

 6. Parce que la loi du plus fort a rarement été aussi bien montrée au cinéma. Dans un film où la peur semble régir les actions de tous les personnages, les faibles sont broyés et chacun doit trouver sa place pour survivre (oui, c'est aussi un film de survie) : "Chacun sait où il se situe. Certains survivent car ils sont forts. Tu crois peut-être que tu es un des forts. Mais non, tu es un faible. Tu as survécu car tu as été protégé par les forts. Mais ils ne sont plus forts..." (Leckie à Josh) L'Homme serait-il un animal comme les autres ? Puissant !

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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 11:14

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Murielle et Mounir s'aiment passionnément. Depuis son enfance, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d'avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient excessive. Murielle se retrouve alors enfermée dans un climat affectif irrespirable, ce qui mène insidieusement la famille vers une issue tragique.

Cinéaste du dysfonctionnement familial, Joachim Lafosse dessine ici un tableau impressionniste d'une grande puissance tragique. Par petites touches, très progressivement, le cinéaste belge nous fait percevoir le malaise qui progresse dans la relation entre ce couple et celui qu'eux-mêmes considèrent comme leur protecteur.

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La tragédie qui gronde est en germe dans les relations qui lient les personnages les uns aux autres, des personnages que l'on découvre au fur et à mesure qu'avance le film. Loin d'asséner des vérités toutes faites, Joachim Lafosse pose des questions sur le comportement de ses personnages. Qui sont les couples dans cette histoire ? Murielle a-t-elle une place face à la relation fusionnelle entre André et Mounir ? Mounir peut-il s'émanciper de l'homme qui a aidé sa famille à avoir un meilleur avenir ? Quel degré de manipulation se cache sous le vernis de douceur d'André ?

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A perdre la raison est un grand film sur le regard. D'abord celui que Joachim Lafosse porte sur ses personnages. Il ne les juge jamais, et nous permet de les comprendre. Malgré la perversité qui s'installe dans les relations, le réalisateur voit toujours plus loin. L'exemple le plus parlant est celui du personnage d'André, incarné par Niels Arestrup qui porte avec lui les stigmates de ses personnages passés (on se souvient du parrain corse dans Un Prophète notamment). Quand Mounir évoque avec lui leur besoin de déménager, la violence de sa réaction, si elle n'est pas exempte de manipulation, montre aussi un abîme de fragilité.

Le regard du spectateur ensuite, ou plutôt celui que Joachim Lafosse veut que ses spectateurs portent sur ses personnages. Car le cinéma est avant tout affaire de regard. Un regard qui passe par une mise en scène qui crée ici un malaise profond. L'utilisation de la caméra portée, les plans séquence, les coupes franches qui marquent pourtant des ellipses temporelles brutales, tout cela crée la tension et un sentiment d'étrangeté. L'impression de suffoquer également. La respiration devient difficile. Comme celle de Murielle, qui se décompose  progressivement. Fatalement.

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Cette mise en scène très maîtrisée place surtout le spectateur en position de voyeur, sentiment renforcé par de très nombreux plans dérobés (à travers l'entrebâillement d'une porte par exemple) tout au long du film. Ce dispositif de spectateur-voyeur est une métaphore du cinéma, mais nous place aussi dans la position d'André lui-même, voyeur par excellence. Le malaise est total.

Le cinéma doit-il tout montrer ? C'est aussi la question que nous pose le réalisateur à travers ce dispositif. Car Joachim Lafosse choisit de ne pas montrer l'irréparable. En réalité, l'effet est saisissant. En laissant l'horreur hors champ, elle apparaît plus présente que jamais. Ce choix radical donne le sentiment d'abandonner le personnage de Murielle et laisse le spectateur à sa propre douleur. Insondable. Implacable.

Guillaume SAKI

A perdre la raison - Réalisé par Joachim Lafosse - Avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim - Belgique - Durée : 1h51 - Sortie le 22 août 2012.


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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 20:22

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Une histoire d'amour dans les années 60, au coeur des manifestations anti-guerre, des voyages spirituels et du rock'n roll, qui part des docks de Liverpool vers le psychédélique Greenwich Village, des émeutes de Détroit aux champs de bataille du Vietnam.
Jude et Lucy sont plongés, avec des groupes d'amis et de musiciens, dans le tumulte des années anti-guerre et des révolutions culturelles, guidés par "Dr Robert" et "Mr Kite". Jude et Lucy sont la proie des forces tumultueuses qui secouent l'époque et vont les obliger à se trouver eux-mêmes pour se retrouver l'un l'autre...

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"Des séquences cousues entre elles par une histoire d'amour assez linéaire, censée traverser et illustrer la grande aventure de la jeunesse américaine à la fin des années 60. Tout y passe, des manifs contre la guerre du Vietnam aux soirées LSD, de la lutte pour les droits civiques à la libération sexuelle. Bref, une idée de cinéma plutôt originale et excitante. Certes, l'aspect politique et culturel n'est guère que le décor « vintage » et propret du récit, et les scènes de « trip » psychédélique (avec un Bono moustachu et cabot chantant I am the walrus) sont franchement balourdes. Mais on savoure le charme et l'énergie des comédiens (dont le jeune Jim Sturgess, importé d'Angleterre avec son accent 100 % made in Liverpool), et l'hommage joyeux, inédit, rendu aux Beatles. (Cécile Mury, Télérama)

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On notera aussi le charme de la jeune Evan Rachel Wood, découverte au début des années 2000 dans la série Once And Again. Et la magie finale du All You Need Is Love. Au final, l'originalité de la mise en images (psychédélique) et du traitement l'emportent sur les maladresses (les événements sont survolés, la réorchestration de certaines chansons...). Très plaisant, magique par moments ! (Guillaume Saki)

Vu dans le cadre de l'excellent cycle "En avant la musique !", organisé par le Forum des Images jusqu'au 21 avril. Courez-y !

 

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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 00:02

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Reportage en direct sur la vie quotidienne des gardiens de la paix de Paris.

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Il y a de la magie dans l'univers très stylisé de Wes Anderson (Moonrise Kingdom), il y également de la magie dans la captation directe (mais pas forcément discrète) de Raymond Depardon dans Fait divers. Sans fard, sans aucun artifice, le réalisateur capte toute la misère du monde fourmillant autour de ces flics parisiens. Sa grande force est de ne jamais prendre parti pour l'un ou l'autre camp. Comme dans La Vie moderne, sa captation révèle des personnages. Le film est bouleversant par la vérité qui s'en dégage. Il est un instantané de la détresse humaine. La scène de la femme "violée" est emblématique du film : on se range alternativement du côté d'un personnage puis de l'autre au fil de la discussion. D'une certaine manière, Raymond Depardon nous met en position de juger, met nous laisse en plein doute. A l'image du flic dans cette séquence magistrale.

Un documentaire minimaliste pour un choc frontal ! Ce soir, je me le suis pris en pleine poire ! Du très très grand cinéma !

 

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16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 19:12

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C'est l'été. Dans la belle maison familiale, Frédéric, Adrienne, Jérémie et leurs enfants fêtent les 75 ans de leur mère, Hélène Berthier, qui a consacré toute son existence à la postérité de l'oeuvre de l'oncle, le peintre Paul Berthier. Dispersés aux quatre coins du monde, les membres de la famille sont rarement tous réunis. Alors que les retrouvailles familiales battent leur plein, Hélène se montre préoccupée par ce qu'il adviendra de l'héritage familial après sa mort...

 

Avec L'Heure d'été, Olivier Assayas (Les Destinées sentimentales, Demonlover, Clean, Carlos...) réalise un film-somme sur la mort, le passage du temps, la mémoire, la transmission, mais aussi sur l'art et les différentes manières de se l'approprier. Des thème déclinés sous la forme d'un cinéma délicat, poétique, dégageant une tranquillité qui n'est pas sans rappeler tout un pan de cinéma asiatique représenté récemment par un film comme Still Walking (Hirokazu Kore-Eda).

heuredete4.jpg L'Heure d'été fait d'ores et déjà partie des ces films rares qui parviennent à tenir une note tout du long, une petite musique (alors que le film en est dépourvu jusqu'au final) de la vie qui s'écoule, du temps qui passe, imperceptible mais immuable. Car Olivier Assayas réussit, sur le thème de la succession, un film résolument mobile, ouvert, à l'étonnante tranquillité.

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Cette réussite tient principalement à des interprètes confondants de naturel. De Valérie Bonneton (dont la présence un peu décalée fait toujours mouche) à Charles Berling (en frère aîné attaché à ses racines), chacun contribue à former un portait de famille vivant et drôlatique. Olivier Assayas n'évacue pas les conflits, les petites lâchetés, les incompréhensions liées à l'éclatement familial dans une société mondialisée, mais il règle tout cela en regardant vers l'avenir. Il clôt son film, modeste mais brillant, par une grande fête organisée par les petits-enfants d'Hélène Berthier dans la maison familiale. A l'affût de cette jeunesse qui court vers l'avant, Olivier Assayas, par un magnifique plan-séquence fait de longs travellings avant, dit tout à la fois l'attachement au passé et la nécessité de s'en affranchir. 

 

 

Bande annonce -  L'Heure d'été

 

Making-of - L'Heure d'été

 

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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 13:18

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Retraçant sans grande originalité le destin du chanteur « country-rock » américain Johnny Cash, de ses débuts laborieux au concert mythique du 13 janvier 1968 à la prison de Folsom, Walk The Line prend la mesure de la légende à travers d’incroyables numéros chantés et l’interprétation magistrale de ses deux acteurs principaux, Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon.

Traumatisme initial, dépendance et rédemption : une biographie filmée trop classique

Walk the line suit les schémas préétablis du genre "biopic". Tout part d’abord d’un traumatisme initial, la mort du frère dans des conditions atroces, et un fort sentiment de culpabilité alimenté par son père. Si James Mangold sait éviter ici les flash-back larmoyants qui parsemaient Ray (biographie filmée de Ray Charles), il n’en reste pas moins que le talent de Johnny Cash et sa passion pour la musique ne semblent s’expliquer que par cette enfance malheureuse. Le film débute d’ailleurs par un plan sur une scie dans la prison de Folsom qui permet à Cash de se remémorer ce morceau d’enfance, ce qui ne fait que confirmer l’importance que le film lui accorde.


Cette vision assez simpliste du destin de l’artiste se poursuit lorsque Johnny Cash devient une vedette. Plutôt que de montrer le génie à l’œuvre, le processus de création musicale, le réalisateur s’attache sans aucune originalité à présenter la plongée du chanteur dans les affres de la dépendance (alcool, amphétamines) et ses ravages sur sa vie et son œuvre. C’est évidemment du déjà-vu, d’autant que la mise en scène manque de souffle, ce qui est bien un comble lorsque l’on suit les traces d’une légende de la musique. Le film ne retrouve qu’à de très rares moments l’énergie créatrice et la frénésie jubilatoire qui faisaient la réussite de Ray.


Quant à la rédemption, elle passe par l’amour, ce qui n’est pas là aussi d’une folle audace, mais réserve les plus beaux moments du film.

http://thecia.com.au/reviews/w/images/walk-the-line-4.jpg
L’amour rédempteur d’un couple mythique

La réussite du film tient en effet essentiellement à cette relation qui traverse le temps entre Johnny Cash et celle qui partagea nombre de ses tournées puis sa vie, June Carter. C’est en effet grâce à elle si le chanteur, touchant le fond, a pu trouver la force de rebondir. Le réalisateur montre également avec efficacité la force d’inspiration que représente cet amour pour Johnny Cash, notamment pour la chanson « Walk the line » qui donne son titre au film.


Mais c’est véritablement au cours des prestations scéniques que le film trouve toute son intensité. Les duos entre Johnny Cash et June Carter laissent en effet transparaître leur grande complicité et révèlent la passion qui les unit. Ces scènes sont ainsi filmées au plus près des corps qui se frôlent, leurs regards se cherchent ou se dérobent, et toute la magie du film naît de ces instants où les deux personnages semblent comme hors du temps. Leur alchimie s’explique également par l’implication des deux acteurs principaux qui chantent eux-mêmes, ce qui est une performance. Reese Witherspoon confirme, après nombre de comédies, son potentiel dramatique. Elle dégage une belle présence qui tient autant à son visage atypique qu’à sa voix à la fois fluette et profonde. Quant à Joaquin Phoenix, touché par les similitudes entre l’existence du chanteur et la sienne (il a, lui aussi, perdu un frère à qui l’on promettait une brillante carrière très jeune), il en fait un artiste passionné et torturé. Et dès qu’il entre en scène et prononce d’une voix profonde et grave « Hello, I’m Johnny Cash », porteur d’une énergie à la fois douloureuse et jubilatoire, l’acteur restitue à lui seul toute la complexité de cette légende de la musique américaine.


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Walk the line
, de James Mangold - USA - Avec Joaquin Phoenix, Reese Witherspoon, Ginnifer Goodwin... - Durée : 2h10 - 2006.



Read more at Suite101: Walk The Line, de James Mangold: Quand l'amour nourrit la légende http://cinema.suite101.fr/article.cfm/walk-the-line-de-james-mangold#ixzz0hgI4nmZ0

Bande annonce - Walk The Line


Musique - "I Walk The Line" (Johnny Cash)

Musique - "I Walk The Line" (Joaquin Phoenix)
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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 12:20

http://faussesvaleurs.unblog.fr/files/2009/04/lacaiman.jpg
Entre humour carnassier et équilibre ténu des émotions intimes, Nanni Moretti rend compte de sa vision, lucide et acérée, de la société italienne. Satire anti-Berlusconi, mise en abîme du cinéma, portrait tragi-comique d’un homme en perte de repères, Le Caïman allie magnifiquement l’intime et le politique pour produire un film rare, symbole d’une Italie à la dérive.

Bruno Bonomo est un homme qui perd pied. Producteur de films de série Z au bout du rouleau, il ne parvient pas à monter une nouvelle superproduction fauchée intitulée Le retour de Christophe Colomb. Sa vie privée n’est pas plus reluisante puisque sa femme souhaite le quitter, alors que leurs deux enfants semblent déboussolés par la situation. C’est alors qu’il se voit remettre un scénario, « Le Caïman ». Croyant d’abord à un thriller politique, Bruno accepte de le financer, avant d’apprendre qu’il s’agit en fait d’une biographie de Berlusconi. D’abord effrayé par cette perspective, il décide finalement de monter le film et, par cette entreprise de réhabilitation, retrouve peu à peu goût à la vie.


Berlusconi, symbole de la déliquescence d'une société
 

Après sa Palme d’Or remportée en 2001 pour La Chambre du fils, un drame intimiste dont l’émotion affleurait de la simplicité de son traitement, Nanni Moretti repart bredouille du Festival de Cannes 2006. C’est pourtant l’une des ses oeuvres les plus ambitieuses qui y est présentée cette année-là. L’ambition de brosser dans un même mouvement un portrait au vitriol de la figure italienne majeure de ces dernières années et un état d’une société déliquescente, en perte de repères. Le Caïman est d’ailleurs loin d’être une simple charge contre Berlusconi. Celle-ci ne s’y inscrit qu’en creux, derrière la trajectoire tragi-comique de son personnage principal.


Ce qui fait la grande force des films de Nanni Moretti, c’est en effet cette manière de marier légèreté et souffrance. Le réalisateur injecte ainsi une bonne dose d’humour dans le destin de Bruno. Paradoxalement, c’est d’ailleurs l’énergie du personnage qui le rend à la fois drôle et grave. Drôle car cette énergie est entièrement mise au service du film qu’il tente de produire, surmontant les obstacles par cette obstination patente. Grave car son excitation peut s’apparenter dans bien des cas à l’énergie du désespoir. Perceptible à la fois dans son implication professionnelle, lorsque son acteur principal abandonne le projet, comme dans sa vie familiale, lorsqu’il tente par une pirouette malicieuse d’empêcher sa femme de révéler à leurs enfants leur séparation, c’est ce mélange tragi-comique qui permet de préserver une lueur d’espoir dans l’existence de Bruno alors que sa vie familiale et professionnelle semble se déliter, symbole d’une société italienne en pleine décomposition.


C’est ce délabrement que Nanni Moretti met en scène lorsqu’il représente Berlusconi ; un président du Conseil italien fictif puisque les scènes dans lesquelles il apparaît sont tout droit sorties du scénario présenté à Bruno par Teresa, la jeune réalisatrice. Il en ressort des scènes à la fois drôles, pathétiques et effrayantes, dans lesquelles le réalisateur utilise l’emphase (nombreux ralentis) pour dénoncer les magouilles de l’homme d’affaires. Manière déguisée de reproduire par les moyens du cinéma les mensonges les plus accablants de Berlusconi.


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Un hommage au cinéma

 

Le Caïman est enfin un hommage magistral au cinéma, aux difficultés que représente la production d’un film, mais surtout à son extraordinaire pouvoir de représentation et de simulacre. En atteste le dénouement du film, une scène de procès dans laquelle Nanni Moretti lui-même interprète le rôle de Silvio Berlusconi. Quand on connaît son aversion pour le personnage, cela produit un effet plus que troublant. Nanni Moretti semble alors nous dire que si le cinéma est bien l’art du simulacre, Berlusconi en est également un adepte très expérimenté.


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Le Caïman, de Nanni Moretti - Italie - Avec Silvio Orlando, Jasmine Trinca, Margherita Buy - 2006 - Durée : 1h52.

Read more at Suite101: Le Caïman, de Nanni Moretti: Le cinéma, l'Italie... et Berlusconi http://cinema.suite101.fr/article.cfm/le-caiman-de-nanni-moretti#ixzz0hg454eCH

Bande annonce - Le Caïman

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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 23:28

http://www.eca.com.ve/hsclassweb/DerekSmith/Website%20Images/IB%2011/good_night_and_good_luck.jpg
Pour son deuxième film en tant que réalisateur, George Clooney s’empare d’un sujet politique, le maccarthysme, et retrace la bataille engagée par le journaliste de CBS, Edward R. Murrow, pour faire tomber le sénateur McCarthy.

On est d’abord étonné par l’intérêt sincère de George Clooney pour le journalisme engagé tel que le pratiquait Edward R. Murrow. On l’est moins quand on sait que son père a été présentateur du journal télévisé pendant plus de trente ans et que son modèle avoué était le journaliste de CBS. Son premier film, Confessions d’un homme dangereux, plutôt déjanté, relatait l’existence de l’inventeur de certains des jeux les plus idiots de la télévision américaine, persuadé d’avoir également été un agent de la CIA. Good night and good luck pourrait en être l’antithèse parfaite.

Un film politique épuré

Pour servir son propos, George Clooney choisit en effet d'élaguer son intrigue au maximum. L’histoire peut d’ailleurs se résumer en quelques mots. Révolté par le renvoi de l’armée de Milo Radulovitch au prétexte qu’il représentait un danger pour la nation car il était communiste, Murrow décide de s’attaquer au problème et de consacrer une émission aux méthodes mises en œuvre par le sénateur McCarthy pour chasser les communistes des postes importants. Il va dès lors s’attacher, avec l’aide de son équipe, à déconstruire les discours du sénateur.


En traitant ce sujet, George Clooney s’exposait à une contrainte de taille : comment faire figurer dans son film le sénateur McCarthy ? Le réalisateur a eu l’ingéniosité d’utiliser des images d’archives et de faire répondre son film au contenu de ces images. Ce sont d’ailleurs les véritables paroles de Murrow qui sont prononcées, ce qui donne au film une valeur quasi-documentaire. Ce réalisme est également rendu par l’utilisation du noir et blanc, devenu nécessaire par la confrontation de la rédaction aux discours de McCarthy. Le réalisateur parvient également, par un montage rapide et enlevé, à rendre comme palpable la frénésie et l’excitation qui s’empare de la rédaction au moment où elle sent l’importance de son rôle dans la lutte contre la « chasse aux sorcières » menée par le pouvoir. L’ambiance des années 1950 est enfin parfaitement restituée par la musique jazz ainsi que par l’aspect enfumé des studios de télévision. Et c’est avec distance et modestie que la mise en scène capte les tensions et les succès du journalisme comme instrument de contre-pouvoir.

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Le pouvoir du journalisme et des médias

Cette « chasse aux sorcières » s’accompagne également d’une privation des libertés individuelles, ce qu’évoque Ed Murrow lors d’une émission : «Comment peut-on prétendre défendre les libertés dans le monde, si on ne les respecte pas dans son propre pays?». Le présentateur souligne ainsi la volonté américaine de démocratiser le monde alors que les principes mêmes de la démocratie sont bafoués aux Etats-Unis. Ce qui continue à poser question dans l'actualité récente (Irak, Afghanistan...).


Good night and good luck
présente donc une réflexion admirablement menée sur le questionnement des images, mais également sur le pouvoir des médias, et de la télévision en particulier. Ouvrant et clôturant le film, une diatribe violente de Murrow contre la manipulation par les médias et la télévision en particulier sonne comme un avertissement : ces instruments ont ce pouvoir gigantesque d’informer, mais également cette possibilité non moins gigantesque de manipuler. Là réside tout l’enjeu de ce film qui résonne dans le monde d’aujourd’hui où une chaîne d’informations américaine, Fox News, pro-républicaine assumée, a soutenu de façon explicite l'entrée des Etats-Unis dans la guerre en Irak. Le film a ainsi le mérite de mettre en avant la démarche éthique et déontologique d’un journaliste conscient de son pouvoir et du rôle positif qu’il peut jouer dans la société. C’est David Strathairn, prix du Meilleur acteur au festival de Venise, minéral et imposant, qui incarne ce visage engagé de l’Amérique mais qui semble également porter tout le poids du monde sur ses épaules. « Good night and good luck », nous dit-il, en guise de conclusion ; comme s’il savait déjà que ce rude combat entre information et manipulation ne s'achèverait jamais.

 

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Good night and good luck
, de George Clooney - USA - Avec David Strathairn, George Clooney, Patricia Clarkson, Robert Downey Jr, Jeff Daniels… - Durée : 1h33 - 2006



Read more at Suite101: Good Night and Good Luck, de George Clooney: Information ou manipulation ? http://cinema.suite101.fr/article.cfm/good-night-and-good-luck-de-george-clooney#ixzz0hctdUiE4

Bande annonce - Good Night and Good Luck

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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 21:57

http://www.worldcinemag.com/img/poster_big/2272.jpg
Second film des réalisateurs et plasticiens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, A Perfect Day décrit l’errance intermittente et indolente dans Beyrouth d’un jeune Libanais narcoleptique, et son nécessaire apprentissage du deuil pour pouvoir enfin se reconstruire.


A Perfect Day
est un film hybride, entre documentaire sur un état du Liban et fiction du deuil. On peut d’abord s’interroger sur son titre. Les premières images ne laissent en effet rien transparaître d’un « jour parfait ». Un jeune Libanais, Malek (Ziad Saad), tente de reconquérir son ex, Zeina (Alexandra Kahwagi). Sans succès puisque cette dernière refuse de lui adresser la parole. C’est également aujourd’hui que, accompagné de sa mère, Claudia (Julia Kassar), il décide d’officialiser la mort de son père, disparu voilà quinze ans, sans laisser de traces, pendant la guerre civile. Une journée bien difficile en perspective, d’autant que Malek est atteint de narcolepsie, une maladie qui peut le plonger dans le sommeil à tout moment et en tout lieu.

Le rapport à l’absence

C’est sur ce fil narratif ténu que les deux réalisateurs tissent une oeuvre où ils excellent dans l’art de rapporter des sensations. C’est ainsi que ce qui frappe en premier lieu, ce sont les rapports charnels entre les individus. Plus que les mots, ce sont les gestes qui comptent, en particulier dans la relation qu’entretient Malek avec sa mère. Deux scènes sont à cet égard significatives et se répondent comme en miroir. Dans la première, la mère parle à son fils endormi et lui caresse le visage puis le dos. La seconde voit Malek se pencher sur sa mère, endormie à son tour, et lui prendre la main. Ces deux scènes, sublimes, évoquent le sentiment que ces deux personnages sont comme absents l’un à l’autre et ne peuvent se dévoiler que lorsque l’autre est inapte à entendre.


Un rapport à l’absence d’autant plus prégnant à l’intérieur du film que tous deux développent deux stratégies opposées pour faire face un état de « latence » que les auteurs du film expliquent comme « quelque chose d’insondable, d’invisible, qui sommeille et qui pourrait peut-être se réveiller […], la nécessité au-delà de l’évidence ». En effet, face à la disparition de son mari, Claudia choisit l’attente désespérée, la souffrance du souvenir. La mise en scène rend subtilement cette attente immobile par la présence intacte des affaires de cet homme, ainsi qu’un certain nombre de regards caméra bouleversants d’intensité. De son côté, Malek souhaite oublier pour pouvoir avancer, se reconstruire une vie normale. Mais comment reconstruire lorsque l’on est sujet à des endormissements intempestifs? Ces parenthèses sont traduites par des procédés formels qui démontrent encore la faculté des metteurs en scène à restituer des sensations : flous, lents fondus au noir, perception confuses de bruits alors que l’écran est encore noir,… Cette maladie du sommeil le ramène donc inévitablement à l’immobilisme de sa mère et à un état d’attente qui se traduit par la démarche languide du personnage. Un état qui semble caractériser plus globalement l’ensemble de la société libanaise.

http://image.ifrance.com/cinema/film/5/8/108585-1-a-perfect-day.jpg
Un Liban en reconstruction

La condition de Malek vient en effet se greffer à un état de la société libanaise qu’il convient de replacer dans son contexte. Tourné avant l’assassinat de Rafic Hariri qui sonne comme une étape décisive dans la reconstruction du Liban avec un détachement de l’emprise syrienne sur le pays, A Perfect Day situe son action dans une zone d’attente entre deux événements majeurs : la guerre civile et le départ progressif des Syriens. A travers l’errance de Malek dans Beyrouth, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige parviennent à capter ce climat à la fois statique et énergique. Statique car cette difficulté à avancer et à faire le deuil de ses disparus est patente tout au long du film ; énergique car la moindre parcelle de vie et d’espoir est perçue par les caméras des deux réalisateurs qui ont filmé de manière quasi-documentaire les scènes en extérieur, et notamment la frénésie qui anime la nuit beyrouthine. C’est d’ailleurs ce contraste entre la vigueur de la ville et l’attitude vaporeuse, cotonneuse de ses habitants, qui fait toute la complexité de ce très beau film. Et ce n’est que quand la société libanaise aura su apprivoiser ses fantômes qu’elle pourra réellement avancer.


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A Perfect Day - De Joana Hadjithomas et Khalil Joreige - Liban, France - Avec Ziad Saad, Julia Kassar, Alexandra Kahwagi - Durée : 1h28 - 2004.

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Bande annonce - A Perfect Day

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10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 13:30

James Gray est, selon moi, le meilleur réalisateur américain actuel. Fortement influencé par le Nouvel Hollywood des années 1970 (Scorsese pour les thèmes, Coppola pour la forme), il est devenu en seulement 3 films (Little Odessa, The Yards et La Nuit nous appartient) le maître du film noir. Un peu plus lumineux, Two Lovers est un film-manifeste de son cinéma : son rapport à sa ville, New York, le dilemme tragique, une construction dramatique parfaite, le rapport ambivalent à la famille, et Joaquin Phoenix, peut-être le meilleur acteur de sa génération.

Tous les films de James Gray sont disponibles en DVD (excepté Little Odessa, le plus beau). Si vous ne connaissez pas encore, c'est vraiment le moment de vous y mettre, vous ne serez pas déçus.
James Gray était présent en décembre 2008 au Forum des Images pour présenter ses film, et comme nul mieux que lui ne peut s'exprimer sur son cinéma, la leçon de cinéma qu'il donna à cette occasion est disponible ci-dessous :



Critique



James Gray est l’un des rares jeunes réalisateurs américains actuels (avec peut-être aussi Paul Thomas Anderson, le réalisateur de Magnolia et There will be blood) qui semble bâtir, de film en film, ce que l’on pourrait appeler une « œuvre ». Marquée par un lieu emblématique, New York, et traversée par des obsessions récurrentes : le poids de la famille, la trahison, la culpabilité, le retour du fils indigne, et plus formellement un art de la construction et de la tension dramatiques, un goût prononcé pour la tragédie. Ses personnages sont en particulier constamment confrontés à un dilemme. Mais poussés par ce qui semble être une forme de déterminisme, ont-ils vraiment le choix ? Dans Little Odessa, Joshua Shapiro, le fils indigne devenu tueur à gages, peut-il réellement réintégrer la cellule familiale sans provoquer le drame ? Dans The Yards, Leo Handler, qui tente de se réinsérer après un séjour en prison, peut-il faire confiance à sa famille sans compromette sa situation ? Dans La nuit nous appartient, Bobby peut-il choisir un camp sans se perdre lui-même ? Plus globalement, les personnages de James Gray semblent se caractériser par leur distance (rapprochement ou éloignement) par rapport à la cellule familiale. C’est à nouveau ce programme qui est proposé, cette fois-ci de manière frontale, à Leonard (phénoménal Joaquin Phoenix), le personnage principal de Two Lovers. Doit-il suivre le destin tracé par ses parents et épouser Sandra qui lui est promise parallèlement à la fusion de l’entreprise familiale, ou écouter ses sentiments pour Michelle, sa nouvelle voisine, dotée de cette touche de folie, qui le fait tomber éperdument amoureux ?

 

En passant du film noir au drame sentimental, James Gray poursuit donc son exploration des relations humaines et surtout familiales. La sagesse dicterait à Leonard d’accepter la proposition de ses parents et de se résigner à une vie sans surprise. Son instinct, en revanche, le pousse vers Michelle, qui lui donne une véritable identité, louant ses talents de photographe (sans même cependant avoir vu son travail, au contraire de Sandra). James Gray signe certainement ici son film le plus autobiographique. Lui-même avoue en effet avoir dû s’opposer au giron familial pour tenter l’aventure cinématographique. De la même manière, la famille de Leonard, aimante et dévouée, étouffe ses velléités d’émancipation et de créativité. James Gray révèle ainsi de manière transparente son dispositif cinématographique : comment trouver son identité à l’intérieur de la cellule familiale ?

 

Si la continuité thématique est évidente, une communauté de style s’opère également entre tous les films de James Gray. Quand simplicité rime avec efficacité, le réalisateur se situe aux antipodes du cinéma américain actuel (David Fincher et consorts), et se revendique plutôt dans la veine du cinéma américain des années 70 (Scorsese pour les thèmes, Coppola pour la forme). Selon James Gray, Le Parrain constitue d’ailleurs le sommet du film noir, et Travis Bickle (incarné par Robert De Niro dans Taxi Driver) une bonne définition du personnage tel qu’il le conçoit. Il a d’ailleurs trouvé avec Joaquin Phoenix, un acteur caméléon, semblable à un Robert De Niro jeune, capable d’« être » littéralement son personnage, aussi ordinaire soit-il. Sans effets appuyés et avec une économie de plans étonnante, James Gray développe une histoire à l’intérieur de laquelle ses personnages révèlent complexité et ambiguïté. Leonard est d’abord une définition de l’anti-héros. En deux plans, la première scène du film enserre le personnage dans une image de dépressif suicidaire. Utilisation du ralenti, cadrage en contre-plongée et image glacée, James Gray installe une atmosphère qui épouse les émotions de son personnage. Dépressif, il l’est immanquablement, mais il est aussi bien d’autres choses. C’est ce que le film, et plus particulièrement le personnage de Michelle, révélera. De la même manière, Sandra et Michelle sont beaucoup plus ambiguës qu’elles ne le paraissent au départ. Imposée à Leonard au début du film, Sandra n’est pas le laideron attendu et tombe amoureuse jusqu’à vouloir le « sauver de ses démons ». Quant à Michelle, paraissant sûre d’elle et pétillante au début du film, elle est en fait une petite chose fragile dont il faut s’occuper. Révélant une face cachée et créatrice de Leonard et lui redonnant goût à la vie, c’est elle qui a besoin d’être « sauvée ». Elle constitue surtout pour Leonard une sorte de fantasme, mis en scène comme tel par James Gray. Lorsqu’elle lui donne rendez-vous dans un grand restaurant de Manhattan, la fascination qu’elle exerce sur Leonard se transpose sur la manière dont James Gray nous fait percevoir la ville. Le lyrisme de la musique et des travellings en contre-plongée sur la nuit new-yorkaise traduisent alors parfaitement cet envoûtement.

 

C’est avec beaucoup de pudeur et d’élégance que James Gray nous mène au cœur de ce nœud d’émotions et d’affects. La question du déterminisme, si présente dans ses précédents films, prend ici tout son sens à travers des choix de mise en scène. Lorsque l’euphorie à l’intérieur de la boîte de nuit laisse place à l’attente angoissée à l’extérieur, quelque chose de tragique se met en place. Leonard ne cesse d’ailleurs d’attendre Michelle jusqu’au final, doux-amer.

 

Two Lovers est finalement un grand film-manifeste sur le cinéma de James Gray. Il clôt avec brio un cycle sur New York, traitant ici de la fin des illusions et de la capacité à faire son deuil (d’un amour dans le film, et pour le réalisateur de sa période new-yorkaise). Avec James Gray, la vie n’est ni profondément triste ni profondément gaie, elle est un peu des deux à la fois. Un cinéma intermédiaire, hors du temps, et que, sous le signe de l’ambivalence (des personnages, des situations), il est certainement le seul cinéaste américain à proposer aujourd’hui.

Bande annonce - Two Lovers



Bande originale - Two Lovers (Henri Mancini, Lujon)

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