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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 11:14

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Murielle et Mounir s'aiment passionnément. Depuis son enfance, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d'avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient excessive. Murielle se retrouve alors enfermée dans un climat affectif irrespirable, ce qui mène insidieusement la famille vers une issue tragique.

Cinéaste du dysfonctionnement familial, Joachim Lafosse dessine ici un tableau impressionniste d'une grande puissance tragique. Par petites touches, très progressivement, le cinéaste belge nous fait percevoir le malaise qui progresse dans la relation entre ce couple et celui qu'eux-mêmes considèrent comme leur protecteur.

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La tragédie qui gronde est en germe dans les relations qui lient les personnages les uns aux autres, des personnages que l'on découvre au fur et à mesure qu'avance le film. Loin d'asséner des vérités toutes faites, Joachim Lafosse pose des questions sur le comportement de ses personnages. Qui sont les couples dans cette histoire ? Murielle a-t-elle une place face à la relation fusionnelle entre André et Mounir ? Mounir peut-il s'émanciper de l'homme qui a aidé sa famille à avoir un meilleur avenir ? Quel degré de manipulation se cache sous le vernis de douceur d'André ?

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A perdre la raison est un grand film sur le regard. D'abord celui que Joachim Lafosse porte sur ses personnages. Il ne les juge jamais, et nous permet de les comprendre. Malgré la perversité qui s'installe dans les relations, le réalisateur voit toujours plus loin. L'exemple le plus parlant est celui du personnage d'André, incarné par Niels Arestrup qui porte avec lui les stigmates de ses personnages passés (on se souvient du parrain corse dans Un Prophète notamment). Quand Mounir évoque avec lui leur besoin de déménager, la violence de sa réaction, si elle n'est pas exempte de manipulation, montre aussi un abîme de fragilité.

Le regard du spectateur ensuite, ou plutôt celui que Joachim Lafosse veut que ses spectateurs portent sur ses personnages. Car le cinéma est avant tout affaire de regard. Un regard qui passe par une mise en scène qui crée ici un malaise profond. L'utilisation de la caméra portée, les plans séquence, les coupes franches qui marquent pourtant des ellipses temporelles brutales, tout cela crée la tension et un sentiment d'étrangeté. L'impression de suffoquer également. La respiration devient difficile. Comme celle de Murielle, qui se décompose  progressivement. Fatalement.

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Cette mise en scène très maîtrisée place surtout le spectateur en position de voyeur, sentiment renforcé par de très nombreux plans dérobés (à travers l'entrebâillement d'une porte par exemple) tout au long du film. Ce dispositif de spectateur-voyeur est une métaphore du cinéma, mais nous place aussi dans la position d'André lui-même, voyeur par excellence. Le malaise est total.

Le cinéma doit-il tout montrer ? C'est aussi la question que nous pose le réalisateur à travers ce dispositif. Car Joachim Lafosse choisit de ne pas montrer l'irréparable. En réalité, l'effet est saisissant. En laissant l'horreur hors champ, elle apparaît plus présente que jamais. Ce choix radical donne le sentiment d'abandonner le personnage de Murielle et laisse le spectateur à sa propre douleur. Insondable. Implacable.

Guillaume SAKI

A perdre la raison - Réalisé par Joachim Lafosse - Avec Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Rahim - Belgique - Durée : 1h51 - Sortie le 22 août 2012.


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