Pour son deuxième film en tant que réalisateur, George Clooney s’empare d’un sujet politique, le maccarthysme, et retrace la bataille engagée par le journaliste de CBS, Edward R. Murrow, pour faire tomber le sénateur McCarthy.
On est d’abord étonné par l’intérêt sincère de George Clooney pour le journalisme engagé tel que le pratiquait Edward R. Murrow. On l’est moins quand on sait que son père a été présentateur du journal télévisé pendant plus de trente ans et que son modèle avoué était le journaliste de CBS. Son premier film, Confessions d’un homme dangereux, plutôt déjanté, relatait l’existence de l’inventeur de certains des jeux les plus idiots de la télévision américaine, persuadé d’avoir également été un agent de la CIA. Good night and good luck pourrait en être l’antithèse parfaite.
Pour servir son propos, George Clooney choisit en effet d'élaguer son intrigue au maximum. L’histoire peut d’ailleurs se résumer en quelques mots. Révolté par le renvoi de l’armée de Milo Radulovitch au prétexte qu’il représentait un danger pour la nation car il était communiste, Murrow décide de s’attaquer au problème et de consacrer une émission aux méthodes mises en œuvre par le sénateur McCarthy pour chasser les communistes des postes importants. Il va dès lors s’attacher, avec l’aide de son équipe, à déconstruire les discours du sénateur.
En traitant ce sujet, George Clooney s’exposait à une contrainte de taille : comment faire figurer dans son film le sénateur McCarthy ? Le réalisateur a eu l’ingéniosité d’utiliser des images d’archives et de faire répondre son film au contenu de ces images. Ce sont d’ailleurs les véritables paroles de Murrow qui sont prononcées, ce qui donne au film une valeur quasi-documentaire. Ce réalisme est également rendu par l’utilisation du noir et blanc, devenu nécessaire par la confrontation de la rédaction aux discours de McCarthy. Le réalisateur parvient également, par un montage rapide et enlevé, à rendre comme palpable la frénésie et l’excitation qui s’empare de la rédaction au moment où elle sent l’importance de son rôle dans la lutte contre la « chasse aux sorcières » menée par le pouvoir. L’ambiance des années 1950 est enfin parfaitement restituée par la musique jazz ainsi que par l’aspect enfumé des studios de télévision. Et c’est avec distance et modestie que la mise en scène capte les tensions et les succès du journalisme comme instrument de contre-pouvoir.
Le pouvoir du journalisme et des médias
Cette « chasse aux sorcières » s’accompagne également d’une privation des libertés individuelles, ce qu’évoque Ed Murrow lors d’une émission : «Comment peut-on prétendre défendre les libertés dans le monde, si on ne les respecte pas dans son propre pays?». Le présentateur souligne ainsi la volonté américaine de démocratiser le monde alors que les principes mêmes de la démocratie sont bafoués aux Etats-Unis. Ce qui continue à poser question dans l'actualité récente (Irak, Afghanistan...).
Good night and good luck présente donc une réflexion admirablement menée sur le questionnement des images, mais également sur le pouvoir des médias, et de la télévision en particulier. Ouvrant et clôturant le film, une diatribe violente de Murrow contre la manipulation par les médias et la télévision en particulier sonne comme un avertissement : ces instruments ont ce pouvoir gigantesque d’informer, mais également cette possibilité non moins gigantesque de manipuler. Là réside tout l’enjeu de ce film qui résonne dans le monde d’aujourd’hui où une chaîne d’informations américaine, Fox News, pro-républicaine assumée, a soutenu de façon explicite l'entrée des Etats-Unis dans la guerre en Irak. Le film a ainsi le mérite de mettre en avant la démarche éthique et déontologique d’un journaliste conscient de son pouvoir et du rôle positif qu’il peut jouer dans la société. C’est David Strathairn, prix du Meilleur acteur au festival de Venise, minéral et imposant, qui incarne ce visage engagé de l’Amérique mais qui semble également porter tout le poids du monde sur ses épaules. « Good night and good luck », nous dit-il, en guise de conclusion ; comme s’il savait déjà que ce rude combat entre information et manipulation ne s'achèverait jamais.
Good night and good luck, de George Clooney - USA - Avec David Strathairn, George Clooney, Patricia Clarkson, Robert Downey Jr, Jeff Daniels… - Durée : 1h33 - 2006
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Bande annonce - Good Night and Good Luck