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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 21:57

http://www.worldcinemag.com/img/poster_big/2272.jpg
Second film des réalisateurs et plasticiens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, A Perfect Day décrit l’errance intermittente et indolente dans Beyrouth d’un jeune Libanais narcoleptique, et son nécessaire apprentissage du deuil pour pouvoir enfin se reconstruire.


A Perfect Day
est un film hybride, entre documentaire sur un état du Liban et fiction du deuil. On peut d’abord s’interroger sur son titre. Les premières images ne laissent en effet rien transparaître d’un « jour parfait ». Un jeune Libanais, Malek (Ziad Saad), tente de reconquérir son ex, Zeina (Alexandra Kahwagi). Sans succès puisque cette dernière refuse de lui adresser la parole. C’est également aujourd’hui que, accompagné de sa mère, Claudia (Julia Kassar), il décide d’officialiser la mort de son père, disparu voilà quinze ans, sans laisser de traces, pendant la guerre civile. Une journée bien difficile en perspective, d’autant que Malek est atteint de narcolepsie, une maladie qui peut le plonger dans le sommeil à tout moment et en tout lieu.

Le rapport à l’absence

C’est sur ce fil narratif ténu que les deux réalisateurs tissent une oeuvre où ils excellent dans l’art de rapporter des sensations. C’est ainsi que ce qui frappe en premier lieu, ce sont les rapports charnels entre les individus. Plus que les mots, ce sont les gestes qui comptent, en particulier dans la relation qu’entretient Malek avec sa mère. Deux scènes sont à cet égard significatives et se répondent comme en miroir. Dans la première, la mère parle à son fils endormi et lui caresse le visage puis le dos. La seconde voit Malek se pencher sur sa mère, endormie à son tour, et lui prendre la main. Ces deux scènes, sublimes, évoquent le sentiment que ces deux personnages sont comme absents l’un à l’autre et ne peuvent se dévoiler que lorsque l’autre est inapte à entendre.


Un rapport à l’absence d’autant plus prégnant à l’intérieur du film que tous deux développent deux stratégies opposées pour faire face un état de « latence » que les auteurs du film expliquent comme « quelque chose d’insondable, d’invisible, qui sommeille et qui pourrait peut-être se réveiller […], la nécessité au-delà de l’évidence ». En effet, face à la disparition de son mari, Claudia choisit l’attente désespérée, la souffrance du souvenir. La mise en scène rend subtilement cette attente immobile par la présence intacte des affaires de cet homme, ainsi qu’un certain nombre de regards caméra bouleversants d’intensité. De son côté, Malek souhaite oublier pour pouvoir avancer, se reconstruire une vie normale. Mais comment reconstruire lorsque l’on est sujet à des endormissements intempestifs? Ces parenthèses sont traduites par des procédés formels qui démontrent encore la faculté des metteurs en scène à restituer des sensations : flous, lents fondus au noir, perception confuses de bruits alors que l’écran est encore noir,… Cette maladie du sommeil le ramène donc inévitablement à l’immobilisme de sa mère et à un état d’attente qui se traduit par la démarche languide du personnage. Un état qui semble caractériser plus globalement l’ensemble de la société libanaise.

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Un Liban en reconstruction

La condition de Malek vient en effet se greffer à un état de la société libanaise qu’il convient de replacer dans son contexte. Tourné avant l’assassinat de Rafic Hariri qui sonne comme une étape décisive dans la reconstruction du Liban avec un détachement de l’emprise syrienne sur le pays, A Perfect Day situe son action dans une zone d’attente entre deux événements majeurs : la guerre civile et le départ progressif des Syriens. A travers l’errance de Malek dans Beyrouth, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige parviennent à capter ce climat à la fois statique et énergique. Statique car cette difficulté à avancer et à faire le deuil de ses disparus est patente tout au long du film ; énergique car la moindre parcelle de vie et d’espoir est perçue par les caméras des deux réalisateurs qui ont filmé de manière quasi-documentaire les scènes en extérieur, et notamment la frénésie qui anime la nuit beyrouthine. C’est d’ailleurs ce contraste entre la vigueur de la ville et l’attitude vaporeuse, cotonneuse de ses habitants, qui fait toute la complexité de ce très beau film. Et ce n’est que quand la société libanaise aura su apprivoiser ses fantômes qu’elle pourra réellement avancer.


http://www.cinemetroart.com/upfiles/0472p1.jpg

A Perfect Day - De Joana Hadjithomas et Khalil Joreige - Liban, France - Avec Ziad Saad, Julia Kassar, Alexandra Kahwagi - Durée : 1h28 - 2004.

Read more at Suite101: A Perfect Day - Liban: Apprivoiser l'absence http://cinema.suite101.fr/article.cfm/a-perfect-day---liban#ixzz0hcYQ66DT


Bande annonce - A Perfect Day

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