Alors que le nouveau film de David Michôd est présenté cette semaine à Cannes (The Rover, Hors compétition), retour sur son premier film, Animal Kingdom. Coup d'essai coup de maître avec ce film choc de l'année 2011, immersion puissante et implacable dans une famille de criminels à Melbourne.
6 bonnes raisons de voir (ou revoir) Animal Kingdom
1. Pour cette scène introductive sidérante, d'une extrême froideur, où David Michôd nous fait rencontrer le personnage de Josh. Le détachement face à la mort, qui imprègne finalement tout le film, est déjà là. Avec une économie de plans (et une économie d'expressions sur le visage de James Frecheville, qui semble impassible), domine une tonalité inquiétante et crépusculaire. Mais ce qui est inquiétant n'est pas tant ce que l'on voit que l'absence de réaction du personnage qui reste insaisissable alors qu'il va être notre guide à l'intérieur de cette famille dysfonctionnelle. Très simplement, par son ancrage froid et réaliste, Animal Kingdom nous accroche d'emblée pour ne plus nous lâcher...
2. Parce que David Michôd, de manière très subtile, convoque constamment la participation du spectateur qu'il immerge lentement dans l'environnement de la famille Cody. Le regard du spectateur se confond bien avec celui de Josh, mais comme ce dernier reste comme absent (Josh, même intégré, reste d'ailleurs un étranger dans cette famille), le spectateur n'a pas vraiment de repères, ne peut pas s'appuyer sur le ressenti de Josh pour se faire une opinion. Une absence de repères qui convient particulièrement bien à l'atmosphère de ce polar qui tire aussi sa maîtrise et sa puissance de son caractère imprévisible.
3. Pour la caractérisation de ses personnages qui ont tous un double fond. A l'image de cette figure de matriarche à la fois protectrice et machiavélique (impressionnante Jacki Weaver, nommée à l'Oscar du meilleur second rôle). Un des personnages féminins les plus forts vus au cinéma.
4. Parce que Animal Kingdom est tout autant une tragédie familiale (à la James Gray), à l'engrenage implacable pour chacun de ses acteurs, qu'un polar sec et froid, animal, où la folie et la paranoïa règnent en maître. Une angoisse sourde imprègne tout le film, relayée notamment par l'utilisation de la musique.
5. Parce que ce film ne cherche pas à séduire par l'épate (il est tout sauf spectaculaire), mais captive, fascine et inquiète d'autant plus qu'il décrit de façon ordinaire et sobre un monde violent et malade. On pense évidemment beaucoup à The Yards (proche dans sa forme comme dans ses thèmes).
6. Parce que la loi du plus fort a rarement été aussi bien montrée au cinéma. Dans un film où la peur semble régir les actions de tous les personnages, les faibles sont broyés et chacun doit trouver sa place pour survivre (oui, c'est aussi un film de survie) : "Chacun sait où il se situe. Certains survivent car ils sont forts. Tu crois peut-être que tu es un des forts. Mais non, tu es un faible. Tu as survécu car tu as été protégé par les forts. Mais ils ne sont plus forts..." (Leckie à Josh) L'Homme serait-il un animal comme les autres ? Puissant !