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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 22:32


On reste dans la thématique du week-end avec une rétrospective des films du réalisateur israélien Eytan Fox. C'est donc le Forum des Images qui lui déroulait le tapis rouge ce week-end en projetant 4 de ses 5 films. Pour ma part, j'en ai choisi 2 sans vraiment savoir à quoi m'attendre : The Bubble (2007) et Tu marcheras sur l'eau (2004). Heureuses surprises ! On croit parfois que les préoccupations dans un pays en guerre sont très différentes des nôtres, The Bubble vient couper court à cette idée reçue. Eytan Fox nous plonge dans le quotidien de la jeunesse israélienne d'aujourd'hui, à travers l'histoire de trois personnages : Noam, disquaire, Yali, gérant de café, et Lulu, vendeuse dans une boutique de produits de beauté. Tous trois partagent un appartement à Tel Aviv, la "bulle" du titre, ville qui semble largement déconnectée de la réalité des conflits de la région. Leur rencontre avec Ashraf, un Palestinien dont Noam tombe amoureux, va bouleverser leur quotidien... Si le film s'ouvre et se ferme sur deux événements tragiques, il se déroule pour l'essentiel dans un grand vent de liberté et de légèreté. C'est tout le "paradoxe" révélé par le dernier film d'Eytan Fox. Car ces quatre personnages ne recherchent finalement que le bonheur, et donc l'amour (gay ou hétéro). Avec sensualité, le réalisateur nous entraîne dans des scènes de marivaudage extrêmement savoureuses. L'aspect politique n'y est toutefois pas totalement absent, puisque les personnages participent à l'organisation d'une rave en faveur de la paix. Sous nos yeux, la vie se déroule à Tel Aviv dans un espèce de doux flottement, à la fois angoissant (le calme avant la tempête ?) mais surtout enivrant. La belle bande originale du film, qui va de Keren Ann à Ivri Lider, traduit parfaitement cette forme d'heureuse mélancolie. A noter cependant que le film ne s'épargne pas de montrer l'intolérance des Israéliens vis-à-vis d'Ashraf, obligé de cacher son identité (jusqu'à changer de nom) pour pouvoir évoluer parmi eux. Et une fois sorti de Tel Aviv, la réalité reprend ses droits, et la liberté se restreint. Ashraf, rentré chez lui pour le mariage de sa soeur, ne peut avouer sa liaison avec Noam. Et même lorsqu'il se décidera à le faire, sa soeur elle-même sera incapable de l'accepter. L'émotion affleure alors, contrebalancée par un moment de pure comédie. Noam et Lulu, sans nouvelles d'Ashraf, décident de le rejoindre dans les "territoires" en se faisant passer pour une équipe de télévision. Cette échappée donne lieu à des instants savoureux, notamment quand les deux personnages décident de parler anglais avec l'accent français pour éviter d'attirer l'attention (référence aussi aux personnages de Jules et Jim de Truffaut : "Tu es Jeanne Moreau, je suis Jules, nous allons retrouver Jim et mourir d'amour", dit Noam à Lulu). C'est fin, c'est beau. Faisant parfois penser à une Auberge espagnole à la sauce israélienne par son rythme, son ton et son humour constant, et en dépit d'une fin un peu convenue où la réalité douloureuse vient percer la "bulle", The Bubble est un film résolument optimiste, portant haut l'espoir d'une société apaisée.

Bonus : la bande-annonce et les deux extraits audio (Keren Ann et Tim Buckley) traduisent bien l'atmosphère envoûtante du film. Pour le 2e extrait audio, impossible de retrouver la version de Ivri Lider, c'est donc celle de Tim Buckley qui est proposée. Un dernier conseil : si vous aimez ces musiques, vous devriez aimer le film.

Bande-annonce - The Bubble
 

 
Bande originale - The Bubble (Keren Ann, Chelsea Burns)


Bande originale - The Bubble (Tim Buckley, Song to the Siren)



Si la tentation de l'angélisme est évitée dans The Bubble, elle l'est hélas beaucoup moins dans le précédent film du cinéaste, Tu marcheras sur l'eau (2004). C'est la principale faiblesse d'un film pourtant non dénué de qualités. Eyal, un agent du Mossad, est chargé de retrouver un ancien officier nazi, Alfred Himmelmann. Pour cela, il devient le guide touristique du petit-fils d'Himmelmann, Axel, en voyage en Israël afin de ramener sa soeur en Allemagne pour l'anniversaire de leur père. Cette dernière a en effet brutalement coupé les ponts avec sa famille et s'est installée dans un kibboutz. L'infiltration d'Eyal au sein de cette fratrie assez fantasque, et plus particulièrement l'opposition avec Axel, va progressivement l'amener à reconsidérer sa propre identité.

Avec Tu marcheras sur l'eau, Eytan Fox est plus que jamais un cinéaste d'hommes. A la différence d'Eran Riklis (La Fiancée syrienne), il préfère s'attacher à la figure de l'homme israélien, et plus particulièrement à son évolution. Ici, c'est par le portrait antithétique de deux hommes, Axel et Eyal, l'Allemand et l'Israélien, que Eytan Fox souhaite nous faire pénétrer dans la psyché israélienne. Avec la sensibilité et la générosité qui caractérisent son cinéma, la peinture des relations à la fois tendres et heurtées entre les deux hommes sert de révélateur. La première séquence du film présente Eyal de manière froide et brutale, elle fait penser en cela à la scène d'ouverture de Little Odessa, de James Gray. Eytan Fox est né à New York, et ne doit pas être insensible à  ce cinéma-là, notamment par son rapport presque charnel à la ville, New York pour James Gray, Tel Aviv pour le réalisateur israélien. L'acteur lui-même, minéral et impassible, peut faire penser à l'interprétation de Tim Roth dans le film de James Gray. Parenthèse refermée, cette minéralité se trouble progressivement au contact des deux Allemands. Entre passages de comédie réussis et thriller plutôt bien mené, Eytan Fox mêle des thèmes aussi divers que le poids du passé, l'Holocauste, le conflit israélo-palestinien, avec un seul but : montrer que c'est en tirant un trait sur le passé que l'espoir pourra à nouveau être permis. Il le dit en ces termes : "Je suis persuadé que le fait que les Israéliens soient toujours obsédés par l'Holocauste et leur statut de victimes les empêche de voir qu'ils sont devenus des agresseurs, infligeant larmes et souffrances aux Palestiniens". Et encore : "J'ai décidé de raconter une histoire dans laquelle un homme va se confronter à ses sentiments les plus intimes et réussir à changer, en affrontant les événements les plus effroyables du passé". Ce qui frappe dans ce film, et dans le cinéma israélien en général, du moins celui qui arrive dans nos salles, c'est l'audace dont ils font preuve dans les thèmes abordés, souvent extrêmement critiques vis-à-vis d'eux-mêmes. C'est ce que propose ici Eytan Fox : la remise en question d'un homme pour pouvoir enfin faire table rase et retrouver la paix.
Si l'intention est louable, c'est pourtant là que le film pêche un peu par manque de subtilité. Parfois trop naïf, l'évolution du personnage paraît par moments peu crédible. Si The Bubble évite cet écueil par un humour constant, Tu marcheras sur l'eau, plus poétique, apparaît comme une utopie généreuse mais un peu illusoire.

Bande-annonce - Tu marcheras sur l'eau


Bande originale - Tu marcheras sur l'eau (Bruce Springsteen, Tunnel of Love)

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